Ludovic Delion : Analyse l’impact des fintechs

Le terme de fintechs est une contraction des mots « finance » et « technologie ». Depuis quelques années, celles-ci ont bouleversé les modèles d’affaires classiques et ont empiété sur leurs parts de marché.

Pour certains, elles mettent en péril les principaux acteurs du secteur bancaire ; pour d’autres, elles représentent une opportunité à exploiter pour faire évoluer les modèles d’affaires.

Voici quelques pistes proposés par Ludovic Delion

Emergence des fintechs s’inscrit dans un contexte d’innovations technologiques

L’émergence des fintechs s’inscrit dans un contexte d’innovations technologiques et scientifiques (algorithme, intelligence artificielle, blockchain…) dont les possibilités d’application pour le secteur sont considérables. De plus, elles ont profité du fait que certains acteurs traditionnels ont tardé à actualiser leurs infrastructures informatiques. Enfin, les nouvelles réglementations, qui contiennent des obligations renforcées quant à la traçabilité, la connaissance et l’information des clients, s’adaptent bien aux entreprises informatiques qui, de surcroît, sont agiles et flexibles sur le plan organisationnel, stratégique et technique. Par exemple, en 2015, une étude du cabinet d’audit et de conseil KPMG a révélé que 47 milliards d’euros avaient été investis dans les fintechs[1].

Les fintechs créent des produits et/ou des services dédiés à différents modèles d’activités bancaires et financières : business to business pour les professionnels du secteur, business to consumer pour les clients particuliers ou professionnels ; les déclinaisons en regtechs ou assurtechs sont de plus en plus utilisées pour les activités de banque de détail ou privée, de gestion d’actifs, de services de paiement, etc.

Fintech : Modèle d’affaires en B to C

« Explication de Ludovic Delion » Parmi les fintechs qui déploient un modèle d’affaires en B to C pour des clients particuliers ou professionnels, on peut citer, à titre d’exemple :

  • Les néobanques (Compte-Nickel, N26, Orange Bank…) : elles tentent de prendre des parts de marché aux banques de réseau classiques, avec une gamme de produits plus ou moins importante selon les cas. Leurs services sont souvent entièrement dématérialisés, et leur cible est moins large que celle des banques de réseau.
  • Les applications dédiées à la gestion de budget (Linxo, Bankin…) : quelques fintechs ont pénétré le marché des agrégateurs de comptes avec des services permettant de visualiser, sur une interface unique, plusieurs comptes à la fois, quelle que soit la banque du client.
  • Des sociétés de gestion de patrimoine (Grisbee, Anatec, Marie Quantier, Yomoni…) : de nombreuses fintechs proposent des prestations 100 % numériques ou une combinaison de services numériques et physiques, et une gestion reposant principalement sur des ETF, avec des services de « robot-conseil » (robo-advising) et des aides pour l’allocation d’actifs automatisée. Ces services sont en plein essor chez les acteurs traditionnels du secteur, et la concurrence fait rage.
  • Les regtechs (Scaled Risk) : les réglementations propres aux banques et aux structures financières se multipliant (KYC, LCB-FT[2], MiFID…), de nouveaux intervenants leur proposent de prendre en charge certaines procédures (rapports…).
  • Les sociétés de financement (Lendix) : à travers des sites dédiés, elles offrent des services de financement participatif (crowdfunding) et de prêt participatif (crowdlending) afin de financer des projets professionnels et personnels. Ce dispositif convient bien aux start-up ou à certaines formes d’entreprises (TPE, ETI, PME). Il permet également d’orienter directement l’excès d’épargne des particuliers vers les besoins d’épargne des entreprises. Par exemple, la Matmut ou la Banque européenne d’investissement utilisent la plateforme de Lendix pour proposer à des entreprises ayant un besoin de financement le fruit de leurs investissements découlant des fonds communs de titrisation[3]. Les sommes atteignent parfois plusieurs millions d’euros.

Malgré leur succès grandissant, quelques limites des fintechs doivent toutefois être signalées, telles que des contraintes en termes de financement ou une taille critique insuffisante. Ces limites font que les fintechs travaillent plutôt en partenariat avec les structures classiques et non pas en concurrence vis-à-vis de celles-ci. Pour les start-up et les petites entreprises, elles constituent une bonne alternative pour trouver des moyens appropriés à leurs besoins : financement, connaissance client, conseils sectoriels… Pour les acteurs traditionnels du secteur, les fintechs leur permettent d’adapter leur modèle d’affaires plus efficacement qu’en mettant en œuvre des solutions innovantes en interne, tout en catalysant la concurrence sur leur marché. D’ailleurs, depuis quelques années, les acteurs traditionnels rachètent des jeunes entreprises ou prennent des participations dans celles-ci. Ainsi, la BNP Paris a fait l’acquisition de Compte-Nickel, Amundi a pris des parts dans Anatec, la Banque Postale a racheté KissKissBankBank, etc.

Outre les limites propres aux fintechs, leur essor et le contenu de leurs activités entraînent un certain nombre de risques pour le secteur bancaire et financier : LCB-FT, développement des ETF, défaut, à travers de nouveaux types de financement. Face à cette situation, les autorités de régulation cherchent à préserver un équilibre entre la nécessité de maîtriser les risques, le maintien de principes de concurrence équitable et la défense de l’innovation au sein du secteur.

AMF ACPR s’associent pour la création des pôles fintechs

C’est ainsi que l’AMF et l’ACPR ont créé des pôles fintechs afin d’assister ces dernières dans différents domaines (mise en conformité, demandes d’agréments et de licences). En juillet 2016, l’AMF et la Banque de France ont instauré le « Forum Fintech », qui rassemble des jeunes entreprises du secteur et des professionnels de la régulation, en vue d’optimiser leur cadre réglementaire en fonction de leurs particularités.

Les fintechs sont soumises aux législations françaises et européennes concernant le secteur  bancaire et financier. Celles qui proposent, par exemple, des solutions numériques de conseil en investissement sont soumises aux réglementations MiFID 2, PRIIPs ou LCB-FT.

Les fintechs sont aussi présentes dans le domaine de la négociation sur les marchés financiers. Les sociétés de négociation à haute fréquence sont devenues des acteurs importants des marchés actions, dont 25 % des volumes sont traités sur le continent européen et environ 60 % aux États-Unis. Elles utilisent des algorithmes permettant un accès quasi instantané aux plateformes de transactions. Elles peuvent ainsi effectuer, très rapidement, un nombre considérable de petites opérations boursières ; les gains sont peu élevés mais multiples.

L’influence de ce type de technologie sur les services peut être illustrée par le trading haute fréquence (high frenquency trading).

Document réalisé par Ludovic Delion – Sources ci dessous


[1] Source : https://www.lefigaro.fr, « Fintechs : les investissements mondiaux en hausse de 24 % ».

[2] Directive européenne de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

[3] Fonds communs de titrisation : fonds recevant des créances titrisées par un établissement à l’actif, et des parts de souscripteurs au passif.

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